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Dans la ville assiégée de Marioupol, une poignée de résidents ont fait le choix de retourner sous les bombes pour fournir de l'aide et contribuer à l'évacuation de milliers de personnes, au péril de leur vie.
Mardi, des volontaires empaquetaient choux, huile de cuisson, pâtes et autres fournitures dans des minivans en direction de cette ville en proie à la faim, l'horreur et la mort, afin d'y livrer des fournitures indispensables et évacuer des réfugiés vers Zaporijie - plaque tournante pour les personnes fuyant l'est de l'Ukraine, lourdement bombardée, en direction de l'ouest.
Mariia Tsymmerman, 38 ans, a fui Marioupol avec sa famille il y a deux semaines.
"Nous avons enterré nos voisins, nous avons vu la mort partout, même mes enfants l'ont vue", jure cette habitante devenue désormais volontaire et à la tête d'une dizaine de véhicules marqués du mot "volontaire" à la peinture rouge.
"Je connais une femme qui a tué son propre chien pour nourrir ses enfants", raconte-t-elle.
Sans armes ni vêtements de protection, les volontaires font des aller-retours vers le territoire occupé, sous le risque constant de bombardements et de mines, en passant par les postes de contrôles russes où les soldats ouvrent parfois le feu.
Le voyage dure généralement trois jours.
- "Effrayante" -
Certains volontaires sont à la recherche des membres disparus de leur famille - les communications étant toutes coupées à Marioupol depuis début mars - alors que d'autres estiment simplement qu'il est de leur devoir d'aider.
Au péril de leur vie: il y a deux jours, des volontaires ont appris qu'un de leurs minivans avait été touché par des tirs. Ils ignorent encore ce qu'il est advenu des personnes à l'intérieur.
L'un des chauffeurs du groupe, Yuri, est sourd d'une oreille après que les troupes russes l'ont obligé à se déshabiller, lui ont mis un pistolet sur l'épaule et ont tiré en l'air. Il continue toujours à venir en aide aux gens.
Depuis sa fuite le 16 mars, Mme Tsymmerman est revenue cinq fois, avec son mari conduisant l'un des fourgons, livrer des fournitures.
Sa famille a passé des semaines à se déplacer d'abri en abri sous les bombes russes avant de s'enfuir.
"Il y a des attaques aériennes et les gens se battent dans les rues", déclare Mme Tsymmerman à l'AFP. "La chose la plus effrayante, c'est que quand ils ont trouvé une cible, ils ne se soucient pas de savoir si c'est une femme ou un enfant, ils tirent".
Lors d'un retour, elle dit avoir vu le corps brûlé d'un enfant gisant dans la rue en train d'être dévoré par un chien.
Le désespoir de ceux qui restent est si grand qu'ils sautent sur les capots et les roues des voitures lorsque le convoi arrive.
Mariia Tsymmerman dit que les volontaires essaient de donner la priorité aux enfants et à leurs parents.
En plus de fuir les bombes, les habitants ont peur que les forces russes les obligent à aller en Russie, ajoute-t-elle.
- "Ils pleurent" -
La mairie de Marioupol a déclaré mardi que quelque 20.000 habitants ont été emmenés de force vers la Russie et placés dans des camps en vue d'une évacuation ultérieure vers des villes russes éloignées.
Le père de Mariia Tsymmerman est toujours à Marioupol, inaccessible actuellement à cause des combats trop violents, tandis que son frère et sa famille ont été transportés de force en territoire séparatiste.
"Ils pleurent, demandent de l'aide et demandent à être libérés", assure-t-elle, ajoutant qu'elle cherche une solution pour se rendre sur place et les évacuer.
Anna Yehurtova, 25 ans, médecin originaire de Marioupol vivant aujourd'hui à Kiev, a essayé de retourner dans sa ville natale pour aider les gens.
Mais lorsqu'elle a réalisé que c'était trop dangereux, elle a préféré se porter volontaire à Zaporijie. Elle aide à coordonner les voitures qui se rendent à Marioupol.
Les volontaires "risquent leur vie et ont une peur bleue des postes de contrôle russes - ils disent qu'ils y mourront ou qu'ils ne pourront plus revenir", s'alarme-t-elle. "Certains conducteurs ont reçu des convocations pour rejoindre l'armée russe lors de leur passage".
Mme Yehurtova affirme que son frère a également été contraint de se rendre en territoire séparatiste, où il a reçu l'ordre de combattre pour l'armée russe.
Il leur a dit: "Je suis ukrainien, je ne vais pas me battre contre l'Ukraine", relate-t-elle.
Les parents de Mme Yehurtova vivent dans un village près de Marioupol, à proximité de ce qui était la ligne de front avec les séparatistes soutenus par la Russie, désormais contrôlé par l'occupant.
Ils lui ont dit qu'il n'y avait pas d'électricité, sauf dans une école où les Russes ont installé un générateur, et ne montrent que les informations de la télévision d'Etat russe.
"Une semaine après leur arrivée, ils leur ont donné (...) une pension de 7.000 roubles (80 dollars) pour les convaincre que c'est bien en Russie".
Nikolaï, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, était en voyage d'affaires quand la guerre a commencé.
Maintenant, il retourne à Marioupol avec le convoi et prévoit d'y rester.
"C'est chez moi. Il n'y a rien d'autre à dire".
D.Ford--TFWP