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Elle est l'une des meilleures sprinteuses françaises: Paméra Losange, sourde de naissance, concourt aussi bien avec des athlètes mal-entendantes que valides, et espère que son "silence transformé en puissance" la mènera jusqu'aux JO de Los Angeles en 2028.
"J'ai toujours cherché à démontrer que j'étais capable de courir comme les autres, aussi vite que les autres", confie la native de Sarcelles, âgée de 23 ans, en marge de son entraînement à l'Insep, pépinière de champions nichée dans le bois de Vincennes.
Elle rentre tout juste de Tokyo où elle a raflé - pour la deuxième fois d'affilée - deux médailles d'or en 100 m et 200 m aux Deaflympics, compétition internationale réservée aux athlètes sourds et malentendants, qui ne participent pas aux Jeux paralympiques.
"Derrière ce podium, il y a des années d'efforts, de silence transformé en puissance, de blessures, de doutes et de rêves tenus serrés", avait-elle publié dans la foulée sur ses réseaux sociaux.
"Ces médailles d'or sont une source de confiance, je me projette maintenant sur les compétitions à venir, chez les entendants ou chez les sourds", souligne Paméra Losange à l'AFP.
Car au-delà des Deaflympics, la sprinteuse déroule aussi un très beau palmarès dans les compétitions avec des athlètes valides: elle a été sacrée championne de France du 200 m en 2023 (en extérieur) et 2024 (en salle), et vice-championne d'Europe en cadettes sur 100 m en 2018.
"Il y a davantage de compétition quand je cours avec les valides, on est plus tiré vers le haut. Mais il faut aussi plus me concentrer dans les starting-blocks et repérer le son" qui va donner le top départ - contrairement aux Deaflympics où il se fait via un signal lumineux, souligne l'athlète de 1,78 m.
- "petit retard au départ" -
"Pour les courses valides, je mets des appareils auditifs et un bandeau pour éviter qu'ils ne tombent pendant dans la course. Et mon implant cochléaire (situé en partie sous la peau, NDLR) m'aide beaucoup, je peux entendre les voix, le départ. Cela me permet de prendre confiance, même si je peux être perturbée par le bruit ambiant, et qu'il peut y avoir un petit retard au départ", détaille-t-elle.
Son entraîneur Dimitri Demonière renchérit: "Le départ c'est un handicap, car le temps qu'elle perçoive le son par rapport aux autres, il y un décalage. Le temps de réaction standard au haut niveau se situe entre 120 millisecondes et moins de 200 millisecondes: Paméra bien souvent peut être au-dessus de 200, voire même parfois à 400, donc presque une demie seconde d'écart par rapport à ses adversaires. Et malgré tout elle arrive à être championne de France!", souligne-t-il.
"Elle est plus performante sur 200 m parce qu'elle a plus le temps de se rattraper", met en avant celui qui l'entraîne depuis quatre ans, la décrivant comme "une force de la nature, qui fait partie des meilleures sur la spécialité chez les valides. Elle développe d'autres qualités pour compenser sa surdité".
La sprinteuse préfère relativiser les "obstacles" rencontrés sur son parcours: "parfois il ne faut pas faire attention à la manière dont on nous voit. Je ne veux pas qu'on considère les sourds comme des laissés pour compte ou des incapables. Parfois, quand je n'arrive pas à lire sur les lèvres et que je demande de répéter en articulant mieux, on me répond +non, non, c'est pas grave+... alors que non, je ne veux pas qu'on abandonne, je veux qu'on répète pour que je puisse répondre!".
Si une blessure ne lui a pas permis de participer aux sélections pour Paris-2024, elle espère "être dans le bon chrono" pour les prochains championnats d'Europe, du monde, puis les JO de Los Angeles 2028.
"Je pense qu'elle a toutes les qualités", juge Dimitri Demonière, qui ajoute en souriant: "son petit nom à Paméra, c'est +Avatar+, directement lié à ses compétences et à sa ressemblance avec le personnage" de Neytiri, dans la série de films Avatar - dont l'athlète partage le visage fin, les yeux clairs et les longues tresses coiffées en arrière. Mais aussi une personnalité à la fois douce et puissante.
L.Holland--TFWP