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A peine nommé Premier ministre d'Israël, Yaïr Lapid s'est envolé pour Paris. Direction l'Elysée pour une accolade bien sentie à son "ami" Emmanuel Macron, symbole comme lui d'une génération de dirigeants libéraux et centristes en lutte contre les "extrêmes".
Sur place, le ton est chaleureux, loin des poignées de main cérémonielles, comme si deux amis se retrouvaient après avoir chacun gravi les marches du pouvoir.
Après plus d'une décennie de règne de Benjamin Netanyahu qui avait infléchi la politique étrangère israélienne sur celle des républicains américains, Lapid, lui, tente de rétablir les ponts avec les démocrates et les Européens.
Sur place, il tente de convaincre Macron de ne pas soutenir un renouvellement de l'accord sur le nucléaire iranien et négocie en coulisses l'accord Israël/Liban, signé jeudi, pour délimiter leur frontière maritime et favoriser l'exploitation de gisements gaziers en Méditerranée orientale.
Pour son premier périple à l'étranger comme Premier ministre, Yaïr Lapid avait choisi la France où il enfile le costume d'homme d'Etat après avoir joué plus jeune les stars à la télé.
- Lapid et la plaie -
Né le 5 novembre 1963 à Tel-Aviv, Yaïr Lapid est le père de trois enfants, dont deux avec sa seconde et actuelle épouse, Lihi, et le fils du défunt journaliste et ministre Tommy Lapid, un rescapé de la Shoah.
Dès sa nomination comme Premier ministre, ce laïc s'est précipité à Yad Vashem, le mémorial israélien de la Shoah, afin d'ancrer son parcours dans la grande histoire du peuple juif.
Fils de l'auteure reconnue Shulamit Lapid, il signe ses premiers textes durant son service militaire pour le journal de l'armée, décrochant ensuite une chronique au Yediot Aharonot, titre le plus vendu du pays qui va le faire connaître du grand public.
Parallèlement, il poursuit ses activités de touche-à-tout: boxeur amateur, romancier, scénariste et même acteur.
Mais c'est à la télévision, alors qu'il devient au début des années 2000 le présentateur du talk-show le plus suivi du pays, qu'il s'impose, au point où plusieurs commencent à l'imaginer en politique.
"A l'époque nous travaillions ensemble à la traduction d'un de ses livres. A ce moment-là, il y avait énormément de spéculations à savoir s'il allait se lancer en politique. Un jour, nous étions seuls et je lui ai demandé: +qu'en est-il?+", se souvient Evan Fallenberg, professeur de littérature anglaise à l'université Bar-Ilan.
"Il m'a dit: regarde autour de toi, qui avons-nous politiquement dans notre génération? Il a dit +oui, j'ai une bonne vie+. A l'époque il animait un talk-show intelligent, il écrivait des livres (...) mais il m'a ajouté: +il y a un moment où il faut se lever, sortir de sa zone de confort et faire la différence+", ajoute M. Fallenberg.
- Un futur? -
En 2012, sur fond d'un mouvement de contestation sur le problème de l'accès au logement et de la vie chère, Yaïr Lapid quitte les plateaux pour lancer son parti Yesh Atid ("Il y a un futur").
Ses détracteurs lui reprochent de jouer sur sa photogénie "George Clooneyenne" et ne le prennent pas au sérieux. Pourtant, le succès est immédiat. Un an après sa création, sa formation s'impose comme la seconde force politique d'Israël après le Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu.
L'ex-star de la télé devient ministre des Finances dans un gouvernement de coalition de M. Netanyahu mais lorsque, des années plus tard, ce dernier est soupçonné de corruption, le divorce est prononcé.
Sous la bannière de la coalition "Bleu-Blanc", Lapid rallie, avec l'ex-chef de l'armée Benny Gantz, des voix centristes pour tenter de déloger du pouvoir M. Netanyahu. En vain.
Pour les législatives de 2021, la coalition avec Gantz éclate. Yaïr Lapid mène à nouveau sa propre formation et se retrouve encore en seconde place.
Après une décennie en politique, il met à profit son expérience pour forcer la création d'une coalition unique dans l'histoire d'Israël car regroupant des formations de droite, du centre, de gauche et, première, un parti arabe.
Ce gouvernement dirigé par Naftali Bennett implose un an après. Au 1er juillet, Yaïr Lapid lui succède, assurant l'intérim jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement à l'issue des élections du 1er novembre. M. Lapid espère rester à la tête du gouvernement en ralliant à nouveau une coalition large mais excluant l'extrême droite.
Depuis son arrivée au pouvoir, Yaïr Lapid a maintenu une cadence soutenue dans les opérations militaires en Cisjordanie occupée, donné le feu vert à une offensive musclée contre le Jihad islamique à Gaza, tout en déclarant à l'ONU être favorable à la "solution à deux Etats", une Palestine viable aux côtés d'Israël.
Mais sans toutefois dire si, en cas de maintien au pouvoir, cette solution aura un futur...
K.Ibarra--TFWP